S'il y a vraiment un sentiment que je ressens depuis de longues années, c'est la fierté (et sinon mes chevilles sont surtout victimes d'une paresse veineuse, et l'humilité est ma plus grande qualité, puisque je vous le dit!):
-Fière d'avoir été acceptée en prépa (soulagée surtout d'avoir été admise en prépa publique, Marcellin Berthelot pour ne pas la citer, car si j'avais loupé cette opportunité, je pouvais dire adieu à mes espoirs de devenir véto!)
-Fière d'avoir intégré la meilleure (et plus ancienne) école vétérinaire du monde (alors les Toulousains , reprenez du cassoulet pour vous occuper la bouche, et Maisons-Alfort...c'est où déjà ce hameau? Nantes? C'est pour les voileux ça non?)...bon au bout de deux tentatives, mais au final, avec un classement plutôt honorable
-Fière d'avoir obtenu le fameux sésame (un vulgaire papier verdâtre, plus proche de ce qu'on utilise aux toilettes que d'un véritable diplôme tout beau tout encadré) la "carte verte" nous autorisant à l'issue de 4 années studieuses (j'y reviendrai) à commencer à sévir sur de pauvres bestioles n'ayant jamais demandé à devenir nos souffre-douleurs et nos cobayes, le temps (plus ou moins long, j'y reviendrai) qu'on se fasse la main et qu'on acquière les compétences juste effleurées à l'Ecole
-Fière d'avoir échappé (c'est le mot) aux rattrapages, qui s'abattaient sur les étudiants plus assidus à la Kfet et aux tournois de coinche qu'aux cours magistraux en amphi, en ayant juste frôlé une fois la catastrophe après une séance houleuse dans le bureau du directeur en 4 ème année (j'y reviendrai)
-Fière d'avoir tenu bon sur ce chemin cahotique qu'on appelle l'acquisition de compétences (synonyme de carrière ici), malgré les nombreux trolls croisés sur mon chemin (j'y reviendrai), grâce notamment au soutien de gens formidables , ils sont nombreux dans cette profession malgré ce qu'on entend...(humour à deux balles)
-Fière de m'être installée contre vents et marées (et contre l'avis d'une femme de qui trouvait il y a une vingtaine d'année, que pondre des mômes et faire la cuisine, c'est encore mieux avec un diplôme en poche...on aura tout entendu!)
-Fière d'avoir survécu à des "inconvénients" essentiellement d'origine humaine, à la crise des sub-primes (heureusement fauchée comme les blés, je n'ai pas pu perdre ce que je n'ai pas investi), à l'URSSAF, à la RAM pour ceux qui ont connu cette usine à gaz, à la CARPV (qui nous vend du rêve, et encore plus depuis l'entrée en vigueur de cette réformette récente qui a tant agité les français...et qui continue à les agiter après son adoption...allez comprendre. C'est comme les gilets jaunes, au bout de quelques mois il ne restait que la couleur, le sens était passé à la trappe...)
Bref, je vais tenter de ne pas m'égarer dans un méandre de ma pensée qui part toujours un peu dans tous les sens: malgré l'évolution de la relation clientèle, qui , ne nous mentons pas, s'est sacrément dégradée, malgré le sentiment de partir chaque jour au travail avec mon fidèle tube de vaseline (je ne vous fait pas de dessin), je suis fière d'appartenir à une profession qui est encore largement admirée par nos concitoyens, en particulier ceux qui sont propriétaires d'animaux ET sains d'esprit, et ils ne sont pas si rares.
Il existe énormément de supports qui font mention du/des vétérinaire/s, des livres, des films, et assez unanimement pour en dire du bien, n'est-ce pas formidable?
Parce que nous le valons bien (enfin ceux qui ne sont pas cons, cf article dédié)
Illustration:
J'en reviens à mes "j'y reviendrai" , car ils méritent qu'on leur consacre quelques lignes:
-Je ne sais pas ce qu'il en est de nos jours, mais "à l'époque" ( parlons en langage vieux con), les étudiants qui avaient beaucoup souffert pendant leurs X années de prépa se relâchaient clairement quant à l'assiduité en cours. Quelques professeurs têtus (pour ne pas écrire tétarauds) avaient imaginé des stratagèmes pour rendre leurs cours , à défaut d'attractifs, obligatoires, par exemple en brandissant la menace d'une mauvaise note à l'examen final quelle que soit la qualité de la copie rendue ou le niveau à l'oral. Un de nos profs était très physionomiste , j'ai donc pris l'habitude de mettre un bandana pour tenir ma crinière 🤣 en cours, ça l'a marqué...pas de rattrapage. Un autre avait proposé à ceux qui faisait acte de présence , de valider leur année sans la sanctionner par un examen...pas brillant comme idée.
-Une fois la 4ème année validée, la carte verte était la 1ère étape sur la voie professionnelle. Inutile donc de rappeler qu'on avait déjà commencé à jouer au docteur sans aucune légitimité, que ce soit pour des gardes sur l'agglomération lyonnaise qui se refilaient d'année en année , ou des campagnes de "pique" (entendre prophylaxie) pour ceux que le froid , les bottes et le port de la blouse cachou ne rebutaient pas (on ne citera pas les possibles/probables accidents , genre bras ou nez cassé...c'est du vécu). Tout ceci mettait plus de beurre dans les épinards un peu maigres de nos vies étudiantes, que la prise des cours et leur restitution sous formats polys de qualité fort variable, à nos camarades (tout particulièrement ceux qui fuyaient les amphis mal chauffés). Normalement, la thèse devaient être soutenue dans un délai raisonnable, qui pour certains s'étirait sur plusieurs années...
-Justement, c'est à cause d'un rempla de 2 jours pour lequel j'ai eu le malheur de sécher une matinée de Bovine que j'ai été convoquée chez le Directeur , le Pr L, aussi grand par l'égo que petit par la taille. J'avais eu la mauvaise idée de proposer mes services à une personne , comme le dit la formule consacrée, "bien connue de nos services", c'est à dire l'ordre. Les absences de ce type étant courantes, et totalement ignorante des dessous des affaires de ce patron , je m'étais rendue à la convocation sans inquiétude particulière. Je n'étais plus franchement dans un état d'esprit serein une heure plus tard. Je me souviens très bien de ce jour, qui aurait pu signer la fin de ma carrière avant même qu'elle eut démarré. J'en ai voulu au professeur assistant qui m'avait dénoncée, son attitude servile et veule m'a écoeurée, j'en ai voulu aussi à ce véto de ternir cette profession quand j'ai découvert le pot aux roses.
-Cette mauvaise expérience a eu du bon, elle m'a fabriqué ma 1ère couche contre l'adversité. S'en sont suivi plusieurs autres, au gré d'embauches diverses, en localisations et en durées, avec des constantes : mal payer (pas de convention collective, pas de minimas), maltraiter (le terme débutant ne s'appliquait plus à partir de 2 semaines de rempla, j'exagère à peine), faire beaucoup travailler (de l'esclavage , mais heureusement pas longtemps et formateur). Mais il n'y a pas eu que des gens comme ça, loin de là.
On pourra toujours dire que c'était mieux avant, que notre métier se dévalorise, qu'un jour, il n'y aura plus de libéraux, que nous serons des marionnettes travaillant dans des chaînes, pour un salaire à peine plus élevé que celui d'un prof, l'ADN de notre profession, c'est avant tout soigner le vivant, et ça doit rester une source de fierté et de motivation.
Si des professionnels de ma génération dénigrent notre art, comment transmettre ce qui souvent est une vocation, voire une passion pour certains, aux jeunes générations, qui cherchent du sens à tout ce qu'ils font, parce que c'est comme ça que eux fonctionnent? Je n'ai pas la réponse, mais la certitude qu'elle est là, tout près.
Soyons fiers!