Une nuit de garde

Je vous ai déjà dit que je faisais du ménage/dépoussiérage (au moins sur ce blog, parce qu'à la maison, ce n'est pas mon fort). Le sujet des gardes, et de la façon dont on les vit (subit) est variable d'un individu à l'autre, mais globalement, il est quand même plus fréquent qu'on s'en plaigne!

Entre la date de rédaction de cet article et aujourd'hui, Novembre 2023, le temps et la pression (plus une crise sanitaire sans précédent) ont bien érodé le courage qu'il me restait pour cet exercice déplaisant que sont ces fichues gardes. L'évolution de notre pratique (notamment avec l'arrivée des groupes et la généralisation du salariat en défaveur de la croissance du nombre de libéraux) a également changé la donne.

Ce soir, nous sommes de garde, et il ne me faut plus que les doigts d'une seule main pour compter les nuits qu'il nous reste à assurer...

J'avoue que je n'aurais aucun regret pour ce travail là, qui aura contribué à pourrir mes nuits et ma bonne humeur (légendaire, je le rappelle).

Et encore une petite avant d'être en vacances, sinon ce n'est pas drôle! Les vacances, c'est fait pour se reposer, et pour se reposer efficacement, il faut être bien fatigué! Et pour celà, rien de tel qu'une bonne nuit de garde d'été!

Si comme ce soir, il pleut, et que la journée n'a pas été caniculaire, ça peut démarrer mollement. Mais il ne faut jamais se fier aux apparences, on peut être tranquille jusqu'à 22heures passées, et soudain, le téléphone s'affole, comme si toutes les horloges urgentes avaient été réglées sur le même timing, et que soudain, dix personnes veulent joindre le sauveur que j'incarne ce soir, toutes en même temps! Ciel, au secours!

Le plus drôle, c'est que pour le moment, les appels que j'ai eu ne concernent que des animaux vus et hospitalisés toute la journée chez leur vétérinaire, et renvoyées chez elles ce soir alors que manifestement leur état restait préoccupant. Sans parler des remplaçants qui n'y connaissent rien et qui ont délivré un traitement qui ne marche pas! La jeunesse et l'inexpérience ne connaîssent aucune grâce aux yeux des propriétaires impatients et grincheux. Et puisqu'ils vont passer une mauvaise nuit, ils tiennent à la partager avec moi, et oui! Parce que je le vaux bien, ou parce que "je suis payée pour ça", ou parce que "c'est mon boulot"! Vous avez le choix de la version, on en entend de nouvelles régulièrement et on est toujours surpris de la mauvaise foi des gens qui sonnent à tort et à travers sans vraiment de raison autre que leur difficulté à dormir et/ou leur agacement parce que le chien se gratte depuis 5 jours et que là, à 2 heures du matin, ils en ont vraiment marre de l'entendre...

C'est en ça notamment que les gardes d'été, la nuit, sont souvent plus pénibles que celles d'hiver (ne parlons pas du printemps ni de l'automne, saisons éphémères dans notre région, ici, où on se les gèle ou on crève de chaud). N'avez-vous jamais eu du mal à vous endormir parce que la température dans votre logis dépassait allègrement les 25 degrés? Et que faites-vous quand vous ne dormez pas? Vous ruminez, vous réfléchissez, vous entendez le moindre bruit, et vous êtes agacés. Moi en tout cas, je fais tout ça. Alors bien sûr, je ne me préocccupe pas de mes bestioles, même si je tordrais bien le cou du chat qui vient de me sauter sur l'estomac pour la troisième fois après avoir piétiné celui de mon cher et tendre (https://vetinclermont.fr/article-ma-vie-avec-un-chat-116022209.html). Parce que je suis moi...

Mais il existe un bon paquet de gens qui, attaqués par l'insomnie, remarquent des choses angoissantes chez leurs compagnons, alors que normalement en pleine nuit, ils devraient dormir du sommeil du juste, et ...comment dire...se ficher pas mal que Belzébuth se lèche compulsivement, ou que Nana regarde un coin de mur sans bouger depuis 10 minutes...

Et moi, à 2 ou 3 heures du matin, j'avoue que je manque un peu d'imagination pour leur expliquer pourquoi Belzébuth ou Nana se comporte comme ça, et qu'à priori ce n'était pas vraiment utile de me réveiller pour me raconter ça...d'ailleurs en général je perds vite mon calme, surtout quand je me fais traiter de c....asse parce que je suis censée aimer les animaux et les soulager...et là, je n'ai toujours pas compris le lien entre la raison de l'appel et ma soit-disant vocation...si vous avez des idées, elles sont les bienvenues.

J'essaye de me consoler, en me disant que dans 2 jours, je serai libre comme l'air, ou presque, et équipée de mon homme et de mon quadrupède fétiche (ma blonde) je partirai en week-end à Paris dans ma nouvelle caisse à savon. Mais d'ici là, il va falloir tenir debout, les yeux ouverts, rassembler le peu d'esprits qui me restent (on rassemble ses esprits, pas un tout seul), et ne pas faire trop d'erreurs de diagnostic ni de prescription, ce dont je suis parfaitement capable si je n'ai pas eu mon comptant d'heures de sommeil.

Le souci, c'est que quand les vacances seront finies, et que la routine quotidienne va refaire irruption dans ma vie, les gardes vont également reprendre, et ce pendant encore de nombreuses années, dans des conditions qui vont se dégrader en même temps que l'humeur des propriétaires d'animaux, mécontents par principe, parce que c'est à la mode et que c'est bien français.

Serons-nous les derniers irréductibles qui contre vents et marées resteront accessibles 24h/24 et 365j/365? Car je vous mets au défi de trouver un praticien libéral directement joignable au fond de son lit, qui tout en se faisant injurier va quand même se lever pour aller soigner un animal qu'il n'a jamais vu, au risque de se faire bousculer et jamais payer ses honoraires.

"On exerce un beau métier quand même! Non?"