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Der de der... ou comment arrêter quelque chose qui pourrit la vie: les gardes!

Der de der... ou comment arrêter quelque chose qui pourrit la vie: les gardes!

On ne va pas se mentir, il y a plein de choses qui me cassent les pieds, dans ma vie quotidienne de vétérinaire,et qui n'ont rien à voir avec mon vrai métier qui est de soigner les animaux (cf charge mentale du véto).

Et il y a une chose qui a directement trait avec ce métier de soignant, mais qui casse vraiment, mais vraiment les pieds (et je reste polie ici, si!si! ça m'arrive!). Ce sont les gardes.

Alors , oui, elles font partie intégrante de notre métier, si on a signé c'est pour en ch...basta! Autant j'adhère à la notion de continuité de soins, autant la permanence, et bien...

Je vous explique la différence:

-la continuité de soins, c'est assurer les soins nécessaires au patient jusqu'à la fin de son traitement (avec guérison, si possible, sinon ...). Ce qui implique donc que si le patient nécessite d'être gardé en hospitalisation, même le week-end et même si cela implique de passer du temps à la clinique sur mon temps libre, je dois l'assumer, et ça me va. A partir du moment où le patient n'a plus besoin de soins, il n'appartient pas au vétérinaire qui l'a accompagné tout au long de la procédure. Le client est libre à tout moment de changer de praticien. Je dois donc accepter que Mme Michu propriétaire aimante de Kiki que j'ai hospitalisé pour soigner sa pancréatite (et à qui accessoirement j'ai peut-être sauvé la vie 🙄) décide de changer de vétérinaire, même si j'ai (à priori) bien fait mon travail. Vous ne changez jamais de crémerie vous? Moi, si.

Je vous présente Kiki Michu

-La permanence de soins, c'est permettre à tout un chacun de trouver un vétérinaire qui pourra le recevoir, en dehors des horaires d'ouverture des structures, et cela même si le chacun n'est pas client, en mode amaguiz. Cette obligation (c'en est une, elle nous est imposée par l'état, qui la justifie par le fait que nous sommes une profession réglementée, c'est à dire qui bénéficie d'un monopole d'exercice, lié à l'obtention d'un diplôme reconnu par ce dit état) est souvent allégée par l'existence de services de gardes partagées, qui permettent aux praticiens qui se sont regroupés de faire moins de gardes, et donc de préserver un peu de vie privée, et par ricochet de santé mentale (mais aussi physique, car la fatigue accumulée est très délétère pour la santé). Ma phrase est un peu longue, relisez-là bien pour vous imprégner correctement de cette notion (je me relis constamment, faites en autant 😉).

Pour rappel, la permanence de soins des médecins repose sur le volontariat (40% des généralistes veulent bien prendre cette charge en plus de leurs horaires normaux de travail), pourtant on ne peut être médecin qu'avec, là aussi, un diplôme reconnu par l'état. Vétérinaire est la seule profession encore soumise à cette "obligation" 24h/24 pour 100% d'entre nous, nous n'avons pas le choix.

 

Alors OK, c'est un métier de passion, on est pas censé compter ses heures et on doit être sur le pont H24...euh , non en fait, pas du tout! On peut être passionné par ce qu'on fait et avoir envie de vivre normalement, surtout que c'est un job dans lequel on se fait des nœuds au cerveau régulièrement sur des cas complexes, avec souvent un manque de financement qui bride la prise en charge (avoir un animal de compagnie est un luxe, cet aspect est souvent négligé lors de l'achat ou de l'adoption de celui-ci). Et franchement, entre les confrères que je vois tomber en burn out, et ceux qui font un infarctus ou qui déclarent un cancer (question: est-ce que le stress peut activement participer à la génèse d'une maladie???), j'avoue que je me félicite d'avoir mis un terme à cet aspect particulièrement déplaisant de mon métier, que par ailleurs j'adore.

 

Bien sûr, il y a des saints qui auront fait leurs gardes pendant toute leur carrière sans se plaindre, normal ce sont des saints.

Moi je ne suis pas une sainte, juste une personne normale, qui estime avoir donné suffisamment de mon temps et de mon énergie (et plein d'autres trucs) pour m'octroyer le droit d'arrêter ces gardes, et me consacrer à tout ce qui reste et qui est nettement plus agréable et valorisant, à mon sens en tout cas.

Un jour, une confrère m'a dit "moins on en fait, moins on a envie d'en faire" (mon astre aura la référence), en ce qui me concerne, c'est plutôt "plus j'en fais, moins j'ai envie de les faire".

Mais comment en suis-je arrivée là? Au point de laisser tomber mes patients, leurs propriétaires et aussi d'autre vétérinaires d'un service de gardes partagées? Je vous fais un résumé de ma vie de gardes ...

on se détend et on sourit

 

Mon passage à l’École Nationale Vétérinaire de Marcy l'Étoile datant du siècle dernier, l'absence de convention collective et un certain laxisme dans l'encadrement du travail étudiant aidant, j'ai pu commencer à sévir en garde (on ne peut que sévir quand on manque cruellement de compétences et d'expérience 🤨) en fin de 3ème année, c'est à dire en sachant tout juste faire une intramusculaire et poser une voie veineuse. Quant à la connaissance/maîtrise des maladies et de leur traitement...disons qu'à ce stade de mes études, la réalisation d'un examen clinique correct était déjà un exploit. Bref! J'étais nulle,mais bien décidée à arrondir mes maigres fins de mois, aussi je me lançais tête baissée dans la recherche effrénée d'une garde de weekend à faire régulièrement. C'était aussi une façon d'approcher en douceur la vie active en mode vétérinaire, ce que le baby-sitting et la rédaction des "polys" pour la promo n'offraient pas.

La tradition étudiante voulait que les divers et rares jobs disponibles , dont ces fameuses gardes, se transmettaient soit via les filiations de clinique (je vais vous expliquer), soit par copinage et piston. J'ai probablement déjà dû l'évoquer dans une autre publication, à cette époque (on avait déjà l'eau et l'électricité...je plaisante) le travail était bien plus rare qu'aujourd'hui, et nombreux étaient les candidats pour un même taf. A partir de la 3ème année, nous avions des travaux dirigés en matinée dans les cliniques (médecine, chirurgie, radiologie, reproduction, etc) avec nos "pères" et "mères" de clinique, c'est-à-dire des 4ème année , le tout organisé en groupes de cliniques de 4 à 6 personnes en moyenne. Les anciens (4ème année) en quittant l'école transmettaient en général leur job à leur fils/fille de clinique.

J'ai eu du bol, car malgré mon peu d'entregent, j'ai non seulement récupéré un baby-sitting plutôt rémunérateur, mais aussi une garde partagée avec 3 autres étudiants, ce qui m'occupait bien en semaine avec les petits (je n'aime pas les enfants, mais fallait bien mettre de l'essence dans la voiture) et un weekend par mois du samedi midi au lundi matin, dans une clinique lyonnaise qui n'existe plus (je passe de temps en temps dans le quartier lyonnais et je la cherche par habitude).

Mon amie Sophie (et surtout son petit ami de l'époque, plus âgé et déjà expérimenté) m'a beaucoup aidée à l'époque pour gérer le stress de ces 1ères gardes, avec cette impression d'être lâchée au-dessus d'un précipice sur une poutre de 10cm de large. J'ai encore en mémoire quelques urgences, et j'avais déjà l'impression que certains humains propriétaires de chat ou de chien sont vraiment ingérables.

Par la suite, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'écrire, j'ai fait des choix d'orientation qui m'ont tout d'abord menée dans les étables et cours de ferme (dans les pâtures aussi). Et là, bien sûr, la pratique était synonyme de 24/24. On ne se posait même pas la question, c'était une évidence. Le principe était (et reste) plus on était nombreux dans une structure, plus on avait de chance de faire une nuit de repos entière sans être dérangé , en particulier en saison hivernale, synonyme de saison de mises-bas. A Montceau-les-Mines, 1 nuit de repos complet par semaine, par exemple.

Dans les clientèles où j'ai travaillé, soit en remplacement, soit en assistanat, plus modestes, j'assurais en général une semaine de garde d'affilée sur 2, un week-end sur deux. Avec la nuance que le client de rurale n'appelait que pour une vraie urgence, lui...Ce n'était pas et ce n'est toujours pas la même chanson en canine. Ça s'est à mon avis bien dégradé , en particulier ces dernières années, en particulier depuis l'après-covid (j'entends par là, la levée de toutes les mesures sanitaires, et le retour à une vie "normale").

Après ma modeste contribution à la féminisation de la profession en milieu rural, j'ai donc rejoins les bancs plus fournis des praticiennes canines. Et bien sûr, les gardes faisaient partie intégrante du boulot. En particulier lors de mon année de formation intensive, tout de suite après la rédaction de ma thèse et sa soutenance, en 1995: le deal était plus ou moins "on te forme, tu sauras tout faire en chirurgie et examens complémentaires, en contre-partie tu fais toutes les gardes". Ça s'appelle de l'esclavage, mais j'y ai trouvé mon compte, et cette année bien qu'épuisante a été formatrice et m'a donné l'opportunité de rencontrer des mentors qui ont conditionné la suite de ma carrière pour en arriver là où je suis aujourd'hui, place dont je n'ai pas à rougir.

C'est une fois installée à Clermont Ferrand que j'ai rejoint , d'abord en temps que salariée, pas par choix mais à la demande de mes employeurs, le service de garde organisé sur l'agglomération, puis en temps que libérale, une fois mes valises posées dans ma propre structure nouvelle-née, il y a presque 20 ans jour pour jour. Je me suis alors frottée à une clientèle de garde bien plus compliquée à gérer que les exploitants agricoles, pourtant très exigeants, mais avec les pieds sur terre pour leur très grande majorité. J'ai surtout découvert les aspects les plus négatifs de la nature humaine. Et après ces plus de 25 années de bons et loyaux services pour remplir cette obligation de PCS, j'ai rendu mon tablier...

source internet

 

Bien entendu je ne laisse pas mes (chers) clients sans solution, même si celle-ci ne leur convient pas forcément (qui n'a jamais eu 1 heure de route à faire pour arriver aux urgences hospitalières humaines, ne peut pas adhérer à l'idée de faire de la route pour faire soigner kiki en urgence...). Et surtout, j'ai le sentiment de me recentrer sur ma clientèle, d'enfin avoir la possibilité de mobiliser toute mon énergie, mes moyens physiques et intellectuels pour MES patients, sans me laisser vampiriser et vider de cette énergie si précieuse par des personnes peu reconnaissantes (clients et confrères confondus).

Je mentionnais plus haut Mme Michu et Kiki qui s'envolent vers une herbe plus verte après que j'ai, avec conscience et professionnalisme, sauvé la peau du second et donné entière satisfaction à la 1ère: en réalité, Mme Michu reste cliente, car justement j'ai fait mon job du mieux que j'ai pu, avec conscience, et en plus Kiki m'aime bien, je lui file des friandises (quand il n'est pas en crise de pancréatite) et toute l'équipe le chouchoute...Et pour continuer à chouchouter Kiki et sa maîtresse, à avoir du plaisir à recevoir de nouveaux patients, en particulier des chiots et des chatons qui nous fournissent notre dose quotidienne de sérotonine, j'ai ressenti le besoin aigu de ne plus me faire maltraiter par des clients que je n'ai pas triés moi-même (oui, j'ose faire du tri et inviter les pénibles à prendre ma porte dans le sens sortie, poliment mais fermement), ni par des confrères mécontents de mes services en garde, voire qui font preuve de condescendance , voire encore pire qui font du mansplaining.

Kiki chouchouté (source internet)

Kiki chouchouté (source internet)

J'ai attendu un peu pour rédiger cet article, en particulier parce que, bien que ma décision soit une évidence dans ma tête, elle n'a pas été facile à prendre. Elle impliquait également toute mon équipe, mon associée surtout, puisque comme moi elle a subi les vicissitudes de ce service pendant 20 ans. A aucun moment elle n'a cherché à me dissuader , aussi épuisée que moi psychologiquement, et consciente du fait que notre survie professionnelle nécessitait cet ajustement , tout le contraire d'anodin.

Je voulais également attendre d'éventuels rebondissements, qui n'ont pas tardé. Comme si le fait d'avoir assuré notre part de ce service avait disparu d'un coup, nous sommes manifestement qualifiées de feignasses irresponsables et qui profitent de ce service en toute impunité. Un échange savoureux mentionne même la nécessité que nous nous fassions taper sur les doigts par nos instances ordinales . C'est ballot, elles ont justement accepté la mise à jour de nos conditions de fonctionnement. J'attends maintenant qu'un de nos clients qui se sera égaré dans une structure tout sauf bienveillante à notre égard, soit incité à porter plainte contre nous pour non assistance à animal en détresse. Cela ne devrait pas tarder. Je la classerai alors avec les autres, cela me fera un souvenir de plus .

Peut-être finirai-je en prison avant la retraite, allez savoir! Vous m'amènerez des oranges, et j'aurai le temps d'écrire!

N'empêche, ça fait un bien, vous n'imaginez même pas!😂

A bientôt (peut-être au parloir...)

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