On a tous des souvenirs plus ou moins désagréables de cette période. Elle a commencé pour moi dans la voiture en écoutant France Info le vendredi 6 Mars, après quelques belles journées de ski avec ma petite famille. Il était tombé pas mal de neige, le ski était bon, la bouffe aussi, bref... le bonheur... disons le ski pour mon astre, la bouffe pour moi 😅. A postériori j'avais quand même trouvé l'ambiance un peu bizarre à l'hôtel, et intercepté bien malgré moi (je n'ai pas le gêne concierge, pas comme ma grand-mère paternelle qui passait tous ses après-midis plus ou moins bien planquée derrière ses persiennes, à surveiller les entrées et sorties du supermarché installé sur le trottoir d'en face, et qui commentait les tenues et coiffures des victimes de sa langue bien acérée) quelques échanges un peu tendus entre personnels et entre moniteurs de ski aux terrasses des troquets d'altitude. Et pour cause! La station a abrité un vaste cluster de covid. Nous avons fui l'incendie qui couvait en ne nous sachant pas en danger sanitaire!!!
Petite pause pour ceux qui me liraient et auraient conservé leurs réflexes de déni face à la maladie Covid: Anne et Guillemette me rejoindront ici pour leur intimer l'ordre d'aller catapulter leurs ☠ sur Pluton! Pas de place ici pour les anti-vax et les conspirationnistes, la porte vous est grande ouverte et dans le sens sortie uniquement, et TOC!!!
J'ai fouillé dans mes archives (eh oui, on en est déjà là, des archives) photos de mon fidèle téléphone, mon 2ème cerveau: ma dernière partie de golf date du 12 Mars 2020. Le 1er confinement a démarré le mardi 17 Mars 2020 à 12h00. Ce mot est étrange, il a un goût moisi de biscuit conservé dans un placard humide.
Le lendemain mercredi je récupérais ma maman , rentrée péniblement du Maroc , alors que celui-ci avait fermé toutes ses frontières et donc ses aéroports. Quand elle a atterri à Paris, c'était pour apprendre l'hécatombe de malades et morts en nombre inquiétant dans l'Est de la France. Et pour cause: un autre très efficace cluster avait fait des ravages en Alsace. Rapidement , une ambiance de fin du monde très anxiogène s'est installée, gagnant l'un après l'autre tous les pays du globe.
Ce n'était que le début...
Autant vous dire que je fus fan de films catastrophes, un peu (nettement) moins maintenant. Je me levais chaque matin en me disant que j'avais rêvé, mais non, et il a fallu rapidement s'adapter. Car oui, confinements il y eu, plusieurs même. Pour rappel: au total 3 confinements jusqu'à la date du 4 Mai 2021. Et pendant que la plupart des gens étaient chez eux, les vétérinaires ont continué à travailler, comme d'ailleurs les personnels soignants, les commerçants pour tout ce qui était vital (heureusement que les librairies ont vite été rangées dans cette catégorie, sinon nous aurions fini obèses ET ignares), avec la peur au ventre pour la plupart, n'ayant aucun ou très peu de moyens de se protéger de la contagion au début, en l'absence de vaccination et de protections efficaces. Et puis les médias entretenant une énorme psychose, la désinformation et les complotistes faisant le reste, ce fut une période plus flippante que la vie ne l'est déjà...
Mais comme de bons petits soldats, nous, les vétos, on a serré les dents et on est allés au charbon (façon de parler). On a quand même bien senti passer la vague d'adoption de chats et chiens pendant ces restrictions de déplacements: il fallait trouver tous les moyens possibles pour être autorisé à sortir de chez soi, et un moyen de se détendre (les chatons, y a pas mieux pour se détendre...ou pas). Les chiens n'ont jamais autant été promenés, ni les chaussures de jogging d'ailleurs, que pendant ces confinements!
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OK, c'est un journal de droite, mais on s'en cogne, c'est juste pour raffraichir les mémoires. Je n'en possède pas d'actions.
Bref, on pourrait disserter à l'infini sur tout ça: les politiques indigentes, les hôpitaux exsangues et qui à ce jour ne sont toujours pas remis de ce tsunami sanitaire, les finances de la France qui sont dans le rouge écarlate (avant elles étaient dans le rouge cerise) et ce pour des décennies à grand coups de "quoiqu'il en coûte". Mais restons concentrés sur mon petit univers vétérinaire. La covid aura également changé ma façon de voir ma communauté, car c'est devenu une communauté, vétérinaire.
Nous exerçons un métier difficile, j'ai déjà eu l'occasion d'en partager certains aspects négatifs (restons polis). Mais c'est aussi un métier passion, et une passion se vit mieux si on la partage. Et encore mieux, si on peut partager tout un tas de passions avec des gens qui exercent le même métier, connaissent les mêmes difficultés, traversent les mêmes crises, cela créé cette communauté, cette béquille, ce sas de décompression qui nous a , pour beaucoup d'entre nous, sortis de notre solitude de praticiens isolés pour ceux qui travaillent seuls, nous a aidé en partageant des photos, des chansons, des chorégraphies, des dessins, des recettes de cuisine, des histoires (et même des livres, des vrais, comme les écrivains!), bref, de l'amitié, du rire, des larmes, des émotions.
Tout ça , ce sont ces groupes (facebook pour la plupart) qui sont nés de l'initiative de quelque-uns d'entre nous, frères parfois, collègues et/ou amis vétérinaires. Le plus symbolique de tous est certainement SPQVA
See posts, photos and more on Facebook.
https://www.facebook.com/login/?next=https%3A%2F%2Fwww.facebook.com%2Fgroups%2F845566939280940%2F
Les journées monotones des 1ères semaines de confinement de Mars 2020 m'ont par ricochet fait découvrir tout un tas de groupes dédiés à la profession, avec chacun leur spécificité. Leur point commun étant de réunir des confrères (et futurs confrères pour les groupes acceptant les étudiants) de tous âges et horizons, mêlant leurs expériences et leurs points de vue sur des sujets adaptés à chaque groupe.
Ces rassemblements virtuels me fascinent et me conviennent, puisque comme je l'ai déjà expliqué, je suis plus à l'aise à l'écrit que IRL comme on dit (dans la vraie vie). Et puis, la toile permet comme dans les jeux vidéos de se transformer en superhéros si on le souhaite, de conserver une dose variable d'anonymat (les pseudos sont faits pour ça). C'est d'ailleurs cet anonymat, pas si solide que ça, qui autorise certains individus à dépasser les bornes des limites (n'est-ce pas Maurice?).
Notez cependant que tous les échanges auxquels j'ai pu participer, en particulier au début de la pandémie et jusqu'à ce que la situation sanitaire et la vie quotidienne retrouvent un semblant de normalité, n'ont pas toujours été bienveillants et amicaux. Même dans notre profession, il y des complotistes, des antivax, des adorateurs de Didier R (on évitera de lui faire de la pub, il a fait assez de mal comme ça!)
Re petite pause ici: ce n'est pas parce que je les mentionne, que j'invoque les catégories ci-dessus à se faire entendre. Ici pas de polémique, sauf si je donne le feu vert! On va direct se connecter sur https://www.facebook.com/TheDendrobateDoctor
Je ne retiendrai d'ailleurs que le bon côté des échanges virtuels, la découverte de personnes fascinantes, avec une diversité de centres d'intérêt très divertissante. Les rendez-vous réguliers autour de challenges tous plus débiles les uns que les autres a permis de souffler un peu et de mettre de la bonne humeur dans des journées souvent moroses, économiquement et psychologiquement.
Un exemple de challenge débile, surtout en période de pénurie...
On en a vu passer des photos de masques, en tissu, en papier, des photos de fleurs, de gâteaux, de bricolage, de livres et j'en passe. Les mois d'Octobre ont été riches en dessins (Inktober/Vetober). Nos compagnons à plusieurs pattes ont été mis à l'honneur, dans des positions parfois improbables, mais toujours là pour nous faire sourire.
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On a partagé les bons plans, les annonces diverses, les naissances et les décès, la vie en somme. La vraie vie, mais réduite pour tenir sur nos cadrans de téléphone, une sorte de fil d'Ariane, pour nous aider à sortir du labyrinthe du désespoir, de l'absence de perspectives, pendant que nos ados en âge de passer des examens et concours étaient reliés à leurs ordinateurs, privés de tout contact avec leur monde habituel et rassurant. Qui n'a pas vécu un confinement de confinement, avec un malade ou déclaré positif, cadenassé dans une chambre, en mode survie?
Au bout de ce qui a semblé une éternité, l'humain a retrouvé sa liberté, par paliers, et aussi son égoïsme (pas perdu celui-là, les mêmes qui ont applaudi les soignants tous les soirs à 20h00 ont été les 1ers à les agresser ensuite quand l'engorgement des services de médecine a rendu très compliquée la moindre prise de rendez-vous...). Cette crise sanitaire sans précédent (mais restera-t'elle la seule ou doit-on s'attendre à en vivre d'autres? Pour ma part je doute qu'elle ait servi de leçon à ceux qui sont décisionnaires de la façon de gérer mon pays, et qui ont bien merdé sur pas mal de sujets) a mis en évidence une décrépitude de notre système de santé, et globalement de notre état.
Je ne ferai pas ici d'analyse géo-politique ni sociétale de notre nation, je n'en ai pas les compétences, et si j'ai un avis sur pas mal de sujets, je le garde pour moi car il ne vous intéresse pas. J'ai déjà assez de mal à me sentir moyennement à la hauteur dans mon domaine pro, je ne vais pas me lancer sur une pente plus que savonneuse, surtout pas en période de campagne électorale à relents d'extrêmes en tous genres (vague odeur de purin...).
Le retour à la normale aurait pu signer le déclin puis la fin de ces groupes, mais ils ont pour la plupart perduré. Les uns sérieux, destinés à apporter du soutien administratif ou psychologique, ou destinés à aider à résoudre les cas de médecine et chirurgie vétérinaires compliqués, les autres plus légers. Cette vie parallèle sur les réseaux a finalement réussi à nous fidéliser. Les échanges (en majorité cordiaux) perdurent. Ils ont abouti à l'édition de recueils, ou comment transformer du virtuel en objets bien réels.
Je vous mets ici aussi une vidéo réalisée par un travail d'équipe extraordinaire (nous le sommes tous!), et qui a rencontré un succès mérité:
Un tel talent se passe de description!
Des amitiés virtuelles se sont concrétisées dans la vraie vie, on s'est parfois découvert des talents, certains ont pu vider leur sac, anonymement ou pas, et ont rencontré de l'empathie et de l'écoute, certaines errances médicales ont pu trouver une issue heureuse grâce aux contacts des uns et des autres, et la liste est très longue.
On pourrait penser qu'on est mieux entouré sur son clavier d'ordinateur que par les personnes qu'on côtoie. C'est parfois vrai...
Je clôturerai ici ce vaste sujet, car comme à mon habitude je ne fais que survoler les sujets. Tous mériteraient un traitement plus profond, mais je laisse ça aux vrais analystes et écrivains.
Je vais maintenant me pencher sur une autre notion qui se rappelle régulièrement à mon bon souvenir: l'erreur... encore un vaste programme!