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Le Vétérinaire n'est pas une machine: cherchez l'erreur...

DVM Irma a reçu sa nouvelle boule de cristal vintage...

DVM Irma a reçu sa nouvelle boule de cristal vintage...

(Petit) aparté ici, car j'ai souvent du mal à mettre mes idées en place et à les coucher sur une feuille blanche (façon de parler, ma plume est en fait virtuelle et utilise 1 doigt de la main gauche et 2 doigts de la main droite 😅) je crois que c'est le sujet qui aura été le plus compliqué à organiser et à traiter. Probablement parce que c'est un concept qui est difficile à admettre, et que savoir qu'on s'est trompé et le reconnaître est complètement inverse de la nature humaine. Je ne dis pas qu'il faut se flageller en place publique pour la moindre erreur, mais je pense que notre cheminement personnel, et professionnel puisque c'est le sujet de ce blog, a beaucoup à gagner en sérénité, en qualité et en rectitude si on reconnaît s'être fourvoyé (on m'a appris une évidence: si tu marches droit, tu te fatigues moins qu'en marchant en zigzag puisque tu fais moins de distance!). Encore une fois de mon point de vue, reconnaître une erreur diminue la charge mentale. Une faute, bien qu'involontaire, est comme un mensonge, elle empoisonne sournoisement, même si la cause et le résultat de l'empoisonnement sont ici de natures différentes.

Donc me voilà ici avec ce sujet, d'actualité pour moi, je vous expliquerai pourquoi...

Quand on écrit "mensonge" on pense toujours à lui...

Quand on écrit "mensonge" on pense toujours à lui...

S'il y a bien une chose que l'expérience et mon (grand) âge m'ont apprise, c'est que l'on n'est jamais à l'abri de commettre une erreur: erreur de diagnostic, erreur de dosage, erreur de pronostic, etc. On passe sa vie à se tromper, à se casser la figure (façon de parler) et à se relever (la plupart du temps).

Ce qui est sûr, c'est que je ne me suis pas trompée de voie, professionnelle, mais que des erreurs, j'en ai commis un sacré paquet, et que d'ici que je rende ma plaque et mon colt (façon de parler) il y a des chances (mmmmh, ce n'est pas le terme exact, disons plutôt des risques) que j'en commette encore, et pas qu'un peu.

L'humilité n'est pas un luxe quand on exerce avec/sur du vivant. Un vétérinaire n'est pas un mécanicien qui connaît par cœur la structure du moteur de la voiture qu'il a sur son pont d'intervention, il évolue dans un univers où l'instabilité règne. Et on a beau aujourd'hui en connaître un sacré rayon sur nos patients, on ne maîtrise pas tout et de loin. C'est aussi ce qui fait de notre pratique quotidienne un challenge permanent. Et ce qui n'est pas forcément aisé à gérer émotionnellement  pour certains de mes pairs, ni pour moi d'ailleurs (bien que je sois très stable...si si!). Il faut apprendre à garder la tête froide (parfois, souvent).

Encore un challenge stupide ... source wikipedia

Encore un challenge stupide ... source wikipedia

J'ai longuement hésité avant de rédiger cet article: la tentation était forte de faire une liste de mes (nombreuses) bourdes et boulettes en tout genre, et puis je me suis dit que ce serait préjudiciable à ma réputation professionnelle. J'ai encore quelques années de cotisations retraite à prévoir, si je balance trop de dossiers je risque de me retrouver sans emploi. Je vais donc garder sous clef la plupart de mes méfaits involontaires passés, et faire comme si dans le futur rien ne risque d'arriver.

Le Vétérinaire n'est pas une machine: cherchez l'erreur...

Pendant mes études, et lors de mes divers stages , que ce soit en exploitation agricole ou avec des vétérinaires, je pensais naïvement qu'ingurgiter des tonnes de connaissances et maîtriser les gestes techniques et diverses procédures me garantiraient la réussite systématique dans la gestion de mes futurs cas médicaux et chirurgicaux. A ce stade de ma carrière je n'envisageais pas non plus qu'une de mes erreurs puisse être utilisée pour me nuire par un confrère indélicat (j'ai d'autres adjectifs qui se proposent spontanément à moi à ce stade pour décrire le CON-frère en question...). Force est de constater qu'en acquérant toujours plus de connaissances (je n'en étais pas au stade des compétences, qui requièrent à minima quelques années de pratique) je me suis rendue à l'évidence que plus j'en savais, moins j'en savais.

Je revendique donc au moins cette lucidité qui m'éclaire depuis mes démarrages dans ce noble métier.

On peut , ou on veut, donner l'impression qu'on est omniscient quand on est vétérinaire. Mais avoir cette opinion là de soi-même ne mène qu'à l'omnipotence, ou plus trivialement : à marcher sur la tête des autres, et pas que pour leur bien (et l'étape d'après, c'est "chier dans les bottes" des autres, ce qui est une autre étape dans le processus qui mène à se prendre pour un Dieu sur la planète vétérinaire, et là aussi j'ai une liste de noms). Je sais énormément de choses, et surtout je sais que je ne connais rien à encore plus de choses. A ce stade , c'est vertigineux: je me sens comme un personnage de cosmos 1999 qui ne sait pas sur quelle planète il va atterrir, perdu dans un univers constitué de milliards d'étoiles inconnues.

Dans les nombreuses erreurs qui ont émaillé mon parcours, il y a quand même mes favorites:

-L'erreur de débutante: le chien parisien qui urine du sang----> la cystite était en fait une piroplasmose (maladie transmise par les tiques, avec classiquement les urines couleur "marc de café")... mais comment une tique a-t'elle pu se retrouver en plein Paris???

-L'erreur du samedi après-midi: le chien qui tousse avec une propriétaire bénévole dans une spa----> la toux du chenil était en fait une intoxication aux raticides (produit contre les souris, qui déclenche des saignements en bloquant l'action de la vitamine K1)... le chien a été sauvé par un confrère qui a gentiment incité la propriétaire a porter plainte contre moi , en se faisant passer pour Dieu au passage (exemple d'omniscience qui se transforme en omnipotence, potence à laquelle il voulait me voir me balancer j'imagine)

-L'erreur de dosage en injectant un anti-inflammatoire à un chat----> ou comment se tromper entre le flacon pour chat et le flacon pour bovin. Juste 10 fois la dose, mais ouf! Là je m'en suis tirée à bon compte. Tous les reins de chat ne défaillent pas quand on essaie de les trucider!

-L'erreur sur une génisse couchée à l'étable après vêlage (naissance du veau)----> la fièvre de lait était en fait une perforation utérine. A mon grand désarroi, et bien qu'ayant fait un examen clinique complet, mon manque de clairvoyance et le manque de chance de la pauvre bête se sont ligués contre nous. Une euthanasie lui aurait évité quelques heures de souffrance, et à moi la promesse d'un futur comité d'accueil au fusil (dixit mon patron, qui avait préféré me transmettre les menaces de l'éleveur plutôt que de me réconforter... un omniscient, omnipotent lui aussi dans son genre).

-La grande classique (comme les galettes 😅): l'ovariectomie de chat mâle----> quand tu oublies de vérifier le sexe du chat qu'on t'a amené pour une stérilisation et que sur le planning c'est noté "ovario chatte"... ou quand minette repart affublé d'un prénom masculin et sans ses coucougnettes 🙄, mais aussi avec une suture abdominale. Pas de panique, c'est une erreur très populaire dans ma profession!

Et j'en ai encore un paquet dans ma besace. Fort heureusement, nombre de mes sottises ont été sans conséquences, le patient s'en est sorti indemne et moi moins bête (façon de parler). Et puis je suis réaliste, j'ai commis plein d'erreurs dont je n'ai pas conscience et dont je n'ai pas eu connaissance.

On apprend de ses erreurs, à condition de les identifier, d'en avoir conscience, et d'avoir suffisamment peu de morgue pour reconnaître qu'on s'est trompé.

Je n'ai pas toujours clamé mes erreurs, j'ai gardé la majorité d'entre elles pour moi, mais à chaque fois que je me suis trompée, je me suis remise en question. Ce n'est pas très agréable mais c'est une nécessité. Se mentir à soi-même, c'est pire que de mentir à une tierce personne. J'ai donc pris pour habitude de formuler à haute voix la maladresse (restons softs) produite par mes soins, selon une liste non exhaustive d'expressions que vous connaissez bien, et utilisez peut-être vous-mêmes (en tout cas je vous encourage à la faire, ça ne tue pas):

-"Je me suis trompée"

-"Je crois que j'ai fait une connerie"

-"Je n'ai pas vu (le truc à ne pas louper sur la radio quand le patient était sur la table mais 2h après en vérifiant plus longuement)" en général suivi d'un gros mot commençant par P (on le fait tous)

-"Et Mer...credi! j'ai fait une boulette!" (et pas sur la facturation, parce que ça aussi ça arrive mais c'est moins grave)

J'en fais aussi profiter mes collègues, compatissantes, car s'entendre le dire c'est bien, mais le faire entendre à une autre personne (qui n'est pas le propriétaire de l'innocente victime, faut pas être suicidaire non plus) c'est encore mieux et bien pire pour l'ego, qui ne demande qu'à dégonfler.

Petit retour sur mon expérience récente: j'ai commencé à rédiger cet article suite à une erreur (sans conséquence fâcheuse) et parce que ce sujet revient régulièrement sur nos réseaux vétos. La "faute professionnelle" est en effet un épouvantail régulièrement brandi lorsqu'une soi-disant faute a été commise par un de mes pairs, et c'est une source de stress important pour les jeunes praticiens. Cette erreur était une voie d'administration non recommandée pour un produit.

Ma faute récente à moi n'existait que dans ma tête, mais elle a eu pour conséquence de me pourrir une bonne partie de mon weekend, pourtant destiné à recharger mes batteries bien à plat avant une nouvelle semaine de travail. Car la fatigue accumulée, non seulement prédispose à commettre des bévues, mais en plus incite à imaginer qu'on est passé à côté d'un diagnostic qui pourrait être posé par un confrère plus compétent...et si ce confrère s'avère indélicat, mener à la fameuse "faute professionnelle" avec tout ce que ça implique de déplaisant.

Je dois donc ici accepter que l'erreur (commise ou à commettre) continuera de m'accompagner jusqu'à la fin de ma carrière, en espérant qu'elle se tiendra à carreau et ne me collera pas trop aux basques!

Tout le monde connaît l'expression "choper le melon"?! A éviter...

Tout le monde connaît l'expression "choper le melon"?! A éviter...

J'en ai fini ici (au moins par écrit) avec mes fautes. Évoquons maintenant celles des confrères, et ce que je suis amenée à en faire.

Nous sommes tous sollicités, plus ou moins souvent, pour un second avis, sur un cas qui bricole, dont le diagnostic reste incertain. Les propriétaires lassés tentent un autre vétérinaire en fondant l'espoir (parfois déçu) que celui-là trouvera enfin ce qui pousse Kiki à se gratter jour et nuit, ou Mistigri à pisser partout. Et parfois , pas toujours, une erreur manifeste s'est glissée dans la démarche diagnostique du précédent vétérinaire.

Le code de déontologie, sorte de charte de "bienséance entre confrères" indique qu'il ne faut pas pointer la (les) insuffisance (s) de celui ou celle qui est passé(e) à côté du cas. Ce code est malheureusement à géométrie variable. En ce qui me concerne, je garde à l'esprit que très certainement un nombre non négligeable de mes clients ont été prendre un autre avis, et que donc je pourrais finir en arroseur arrosé s'il me prenait l'envie de me gausser du professionnel qui s'est fourvoyé. Et Dieu sait que l'envie est parfois forte (je n'ai pas que des amis dans mon proche environnement professionnel, dont je ne pense pas que du bien, mais je crois au karma...).

Bien que l'incitation à dézinguer le confrère soit précise de la part du nouveau client, il ne faut pas céder aux sirènes de la médisance. De mon expérience, cela n'occasionne qu'une satisfaction très volatile dont il faut savoir se passer. Je préfère me dire qu'il vaut toujours mieux passer en 2ème, 3ème voire 4 ou 5ème , c'est plus facile, le terrain est déjà amplement ratissé. L'exploit d'arriver à solutionner les cas devient alors atteignable, et on peut sortir vainqueur de la bataille du cas merdique, auréolé de gloire (n'exagérons quand même pas, le monde n'en sera pas meilleur 😂) sans pour autant avoir mis au pilori le confrère précédent moins chanceux...

Sans trop me tromper, je prédis que cet écrit trouvera un écho chez la plupart de mes (dévoués) lecteurs. La bise (confraternelle) à tous! 😘

 

PS: je remets ici le lien vers cet article un peu ancien pour reparler de la notion de confraternité

https://vetinclermont.fr/2018/08/les-vetos-ne-sont-pas-tous-des-gros-cons.html

c'est bientôt d'actualité. Vive les médailles!

c'est bientôt d'actualité. Vive les médailles!

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